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Voici
quelques extraits choisis de l'Encyclopédie Universalis (droit
de citation), écrit par Alessandro Parronchi concernant Uccello
et plus particulièrement la série des Batailles.
Prise
de vue
Uccello est un peintre soucieux avant tout de pousser ses recherches
dans une direction scientifique; mais la science sur laquelle il
s'appuie, l'optique de son temps, ou perspective, reste essentiellement
psychologique; son intellectualisme extrême l'amène
à condenser, dans une exécution impeccable et avec
un acharnement d'artisan poussé au paroxysme, des aspects
de la réalité soigneusement interprétés
à la lumière des lois de l'optique; les résultats
obtenus frappent par leur caractère fantastique et imaginatif.
En un temps qui nous apparaît dominé par l'ordre rationnel
d'un Brunelleschi et par les conquêtes de Donatello et de
Masaccio, Uccello pourrait se définir comme l'artiste qui,
en inscrivant les conceptions antiques dans des formes nouvelles,
a ouvert la voie à celui qui a prospecté par le moyen
du dessin les vérités de la science: Léonard
de Vinci.
(...)
3. La maturité
Le premier travail monumental du peintre est constitué par
la représentation, signée et documentée (1436),
du Monument funèbre de Giovanni Acuto (italianisation du
nom du célèbre condottiere anglais John Hawkwood,
1394). Fruit de recherches acharnées, il peut être
considéré comme la première solution que la
Renaissance a donnée du thème du groupe équestre,
dressé dans un équilibre solennel.
C'est de cette époque que doivent dater les trois épisodes
de la Bataille de San Romano répartis aujourd'hui entre le
Louvre, la National Gallery et les Offices: l'événement
historique - important seulement pour ses conséquences politiques
- se présente sous les apparences d'un rêve; la bataille
qui se déroule dans une paisible campagne lunaire prend l'aspect
d'une lutte monstrueuse; les armures aux plaques d'argent, les cimiers,
les étendards, les chevaux vus sous toutes sortes de raccourcis
donnent lieu à une série illimitée d'intersections
dans lesquelles l'il qui voudrait reconstruire des figures
singulières se perd comme dans un labyrinthe.
(...)
Il
semble (...) attaché à l'idée que la nature
l'emporte sur l'homme - un homme qu'il présente chargé
de tout le poids de la matière dans la Création (Épisodes
de la Genèse au Chiostro verde), renversé par les
éléments déchaînés dans le Déluge,
transformé en automate dans les Batailles, réduit
à l'état de marionnette animée dans les dernières
uvres telles que la Chasse nocturne d'Oxford et les histoires
de la Profanation de l'hostie de la Galleria nazionale delle Marche
à Urbin.
4. L'héritage
Uccello meurt à Florence. Son art ne donne pas lieu à
imitations et s'éteint avant la fin du XVe siècle
dans les uvres de quelques disciples anonymes. Mais la rigueur
altière de sa recherche se retrouve dans l'uvre de
peintre et de théoricien de Piero della Francesca - lequel
cependant écarte le goût pour l'irrationnel qui sature
l'uvre tout entière du vieux maître pour admettre
le primat d'une rationalité parfaite et statique. En revanche,
l'aspect encore médiéval de sa curiosité, de
ses recherches et de ses expériences survit et s'affirme
consciemment dans l'investigation systématique d'un Léonard.
Après une période d'oubli qui s'étend sur le
XVIIe et le XVIIIe siècle, on assiste à partir de
la fin de ce dernier siècle et jusqu'à nos jours à
un renouveau d'intérêt pour Uccello; il fait l'objet
de recherches rigoureuses, et, avant même que les érudits
ne tentent une explication historique de son style, il est salué
avec enthousiasme par les peintres "métaphysiques"
italiens et les surréalistes français.
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